Celle qui fuit et celle qui reste -L’amie Prodigieuse 3- Elena Ferrante

Alors qu’Elena prépare son mariage avec Pietro, brillant mais taciturne universitaire, Lila quitte son mari Stephano pour s’installer avec son fils sous la protection d’Enzo, l’ami l’enfance. Lila trouve un travail dans une usine de salaisons et découvre les conflits sociaux brutaux de l’Italie des années soixante-dix. Prise à partie, elle va montrer l’ampleur de sa capacité à se défendre contre tous ceux qui veulent lui dicter sa conduite. Son caractère fort la servira autant qu’il la mettra en grand danger.

Elena, malgré ses réussites dans les études, le succès de son roman et le beau mariage qui se profile, n’est guère assurée. Installée à Florence, elle sent un manque multiforme où ses regrets liés à sa passion pour le beau et brillant Nino et l’éloignement de son amie dominent.  Ce mal-être, paradoxalement, elle voudrait s’en délivrer, pour enfin voler de ses propres ailes, affectivement et professionnellement… Mais l’emprise des émotions et des sentiments seront plus forts que sa capacité à s’en libérer. Lila et Nino sont toujours présents malgré l’éloignement…

Elena Ferrante nous fait vivre une période tumultueuse de l’histoire italienne. Elle décrit avec justesse le combat âpre mené par les forces fascistes contre les forces de gauche et démocrates-chrétiens. Elle dépeint des conditions de vie difficiles, un travail en entreprise précaire et placé sous le joug d’hommes souvent sans scrupules à l’égard des ouvrières. Sa connaissance du milieu universitaire est indéniable et donne à l’ensemble un contenu réflexif passionnant.

L’évolution de ses personnages à travers le temps et les rencontres ne néglige pas une approche psychologique sérieuse, et on reste captivé par les intrigues qui ne cessent de se multiplier. La maternité, la famille, l’appartenance à un milieu social donné, tout cela participe pleinement des choix faits par les protagonistes.

Un peu plus bavard que les deux précédents opus (en raison du contexte historique, universitaire et réflexif), ce troisième volet n’en demeure pas moins passionnant et évite de justesse une forme d’enlisement académique.

Lila et Elena s’éloignent l’une de l’autre. Il y a celle qui fuit et celle qui reste, comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage. Pourtant, on ne doute pas un instant que leurs destins sont liés depuis le premier jour et que Naples reste la ville nourricière de la saga.

Pour finir, une grande partie de l’intrigue se passe à Florence, merveilleuse ville que je place au sommet de ma passion esthétique, berceau incomparable de la Renaissance, patrie des artistes comme Leonard de Vinci et Michel-Ange… Quelle ne fut pas ma déception de ne jamais voir évoqué ce passé magnifique et titanesque au fil des pages ! Autant Naples est vivante sous la plume de l’auteure que Florence semble une ville fantôme et sans âme…

Michelangelo 2018/04/14