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13 mars 2018 2 13 /03 /mars /2018 09:55

Le mystère qui entoure l’identité de l’auteure m’a porté vers ce roman à la couverture attrayante et à la quatrième de couverture prometteuse. Alors que le succès de cette œuvre semble dépasser le simple engouement médiatique, il m’a semblé évident d’en entreprendre la lecture.

L’auteure nous plonge dans un quartier pauvre de Naples dans les années cinquante finissantes. Ce qui ressemble beaucoup à une autobiographie est en fait une étude sociologique, un témoignage historique fait d’une multitude d’histoires individuelles qui interagissent dans un milieu fermé, avec ses codes, ses difficultés, ses réussites et ses échecs.

Elena et Lila sont deux enfants qui vont vivre une amitié d’une intensité énorme basée sur la nécessité de résister dans un monde principalement hostile : « Je ne suis pas nostalgique de notre enfance : elle était pleine de violence. C’était la vie, un point c’est tout : et nous grandissions avec l’obligation de la rendre difficile aux autres avant que les autres ne nous la rendre difficile ».

Les familles sont nombreuses, pauvres et très peu cultivées. L’école est la seule issue pour quitter cette forme de ghetto et l’institutrice âgée ne fait pas dans la dentelle pour libérer ses élèves par  le savoir. Les meilleures, Elena et Lila vont rivaliser d’efforts pour tenter d’atteindre le graal, entrer au petit collège, et sortir ainsi du quartier avec l’espoir de s’élever socialement. Mais tout le monde ne le voit pas ainsi et les conflits sont nombreux.

Le père de Lila est cordonnier, celui d’Elena portier à la mairie de Naples. Deux professions humbles mais différentes par nature et perçues différemment à juste titre dans le regard des gens du quartier.

Les faits divers qui traversent l’ouvrage nous montrent comment certains acquièrent une certaine notoriété, bonne ou mauvaise,  en devenant petits commerçants influents, cheminot poète et volage, assassin ou encore amoureuse éconduite sombrant dans la folie… Les enfants, victimes et acteurs de cet état de fait, vont devoir s’endurcir pour s’élever ou se résigner pour garder leur place.

La force de ce roman réside dans la juste traduction d’une époque difficile et pourtant pleine d’humanité. On frappe facilement les enfants, sa femme, ses élèves, ses camarades. C’est dans l’ordre établi et personne ne trouve à y redire. En revanche, même s’il est difficile de laisser paraître des sentiments et actions plus positifs, l’amour, certes maladroit, envahit les pages au fil des années qui passent.

La vie est faite de mille petites choses qui, mises bout à bout, avec virtuosité, traduisent une atmosphère d’époque très réaliste. Même si les faits se déroulent à Naples, les gens de ma génération et  nos aînés vont retrouver des instants déjà vécus : l’ambiance de classe de l’époque, les bagarres sauvages, les fessées et paroles violentes et humiliantes, le manque d’argent, les interdits, les premiers baisers volés, les toutes premières automobiles, les boutiques épiceries où l’on vend de tout… Le sentiment d’infériorité sociale ressenti par ces napolitains pauvres n’est pas non plus différent de celui qu’on a connu en France à la même époque…

Le ciment de ce fatras authentique, le fil conducteur reste cette relation exceptionnelle qui existe entre ces deux fillettes dont les aventures sont l’objet d’une belle analyse psychologique. On ne peut rester insensible à leur histoire commune, à leur rivalité sociale et scolaire et à leur amour réciproque qui traverse toutes les difficultés.

Le style de l’auteure est fluide, limpide et agréable. On se sent embarqué dans un monde véritable, charnel et dense. Les odeurs, les paysages, les métiers y sont aussi parfaitement crédibles et signifiants que les personnages nombreux qui peuplent ces multiples aventures. La nostalgie de cette époque révolue vient adoucir la dureté d’essayer de vivre dignement dans une ville où tout vous pousse à l’échec ou à la résignation.

Cette histoire comporte une suite. Nous quittons nos deux héroïnes à la fin de l’enfance. Cette amie prodigieuse qu’est Lila a certainement encore beaucoup à voir avec Elena. Il me tarde de l’apprendre !

 

Michelangelo 2018/03/13

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