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21 novembre 2018 3 21 /11 /novembre /2018 12:15

J’avais lu ce roman tiré des Rougon-Macquart dans mon adolescence et j’avais été fortement marqué par cette longue descente aux enfers que vit Gervaise. Il y a peu, j’ai été amené à évoquer ce souvenir et l’idée de relire le roman m’a paru une évidence quarante-cinq ans après cette découverte.

Cet épisode tiré de la grande saga voulue par Zola reste un grand moment de lecture. La virtuosité de l’écrivain s’y exprime de manière remarquable.

Gervaise, modeste blanchisseuse, rêve d’une vie simple dans le Paris de la fin du 19ème siècle. Venue de Provence avec Lantier, elle déchante très vite. Lantier la plaque avec ses deux jeunes enfants et elle se retrouve bien seule jusqu’au jour où elle rencontre le couvreur Coupeau, brave ouvrier avec lequel elle pense pouvoir réaliser ses rêves.

A force de travail et d’économies, et avec l’aide financière de Goujet, le forgeron secrètement amoureux d’elle, Gervaise va devenir patronne d’un commerce de repassage. Tout semble bien se dérouler, l’aisance arrive et une forme de bonheur se dessine malgré les jalousies et petites vexations reçues par l’entourage.   

Malheureusement, Coupeau est victime d’un accident du travail qui va le mener lentement mais inexorablement sur la pente de la paresse et de l’alcoolisme. C’est alors que Lantier refait son apparition, s’installant sans vergogne chez le couple avec la bénédiction de Coupeau…

La chute lente mais inexorable s’annonce. Gervaise qui a peu de caractère accepte l’inacceptable, cette espèce de mariage à trois où l’alcool va jouer le rôle destructeur des personnes et des âmes. L’Assommoir, bouge immonde et maléfique sera le symbole d’une déchéance où toutes les ambitions et toute la fierté des uns et des autres va se dissoudre dans les vapeurs enivrantes et mortelles de l’alambic.

Zola est un formidable conteur. Ses personnages ont une densité énorme dont Gervaise est la vedette. Pourtant, la myriade d’acteurs composée de petits ouvriers, d’enfants, de vieillards qui composent cette population citadine modeste est analysée avec rigueur et réalisme. N’oublions pas que Zola se veut un auteur naturaliste ! Les métiers maintenant disparus sont parfaitement évoqués de même que la mutation industrielle qui s’étend.

Dans son grand génie, l’auteur décrit cette descente aux enfers avec un réalisme qui vous met la larme à l’œil, tout en évitant l’outrance et le pathos tapageur.

Le style est soigné, le vocabulaire magnifié par l’emploi de cet argot parisien qui fleure bon la rue et le caniveau de l’époque. Zola réussit son pari et offre au lecteur des générations suivantes une histoire magnifique en même temps qu’un reportage d’une grande richesse sur la vie parisienne de son siècle finissant.

Il est rare de se sentir porté par une belle langue et une histoire réaliste et pourtant intemporelle. C’est ce qui fait la force de l’écrivain.

Zola a été critiqué à droite pour son écriture jugée trop réaliste et son regard sans concession sur une société profondément inégalitaire. Il a également été rejeté à gauche pour sa vision de la classe populaire où avarice, mauvais penchants, sexisme et alcoolisme viennent ternir l’image d’un ouvrier forcément aimable, travailleur et honnête face à la brutalité de la classe dirigeante.

Son roman dérange tous azimuts. Parce qu’il est authentique. Aussi en raison de son style brutal, vivant et sensuel. Rien ici n’est aseptisé, tout est montré sans fioritures. Avec malgré tout une poésie qui accompagne d’indicible et la vérité si crue.

Il n’y a nul message politique, le lecteur seul se fera son idée au travers des évènements relatés. Zola n’est pas Hugo. Il viendra plus tard à la politique sans s’y trouver forcément à son aise.

Dans l’Assommoir,  il exprime avec authenticité cette souffrance féminine de l’époque. La société patriarcale écrase sous son joug la femme réduite à travailler, enfanter, souffrir, prendre des coups et se taire. Cette cause féministe n’est pas un combat de l’auteur. Il relate juste des faits.

Une fois encore, le lecteur doit faire l’effort et, nourri de ces constats, prendre fait et cause pour une société plus égalitaire, plus juste et moins écrasante pour la gente féminine.

Zola est un précurseur, un accoucheur des consciences endormies par le ressac immémorial de la bien-pensance, des choses acquises. Son combat se développe à l’ombre de ce qu’il décrit, au risque de ne pas être compris. Son acuité, autant qu’une forme de naïveté qui veut que seuls les faits valent démonstration, font de lui la cible idéale de tous les critiques qui refusent un regard différent et donc dérangeant sur le monde.

Les Rougon-Macquart restent pour moi une forme de sommet littéraire rarement égalé. Pas rassasié par la lecture de l’Assommoir, faite de beaucoup de plaisir et de bonheur, j’entreprends dans la foulée la lecture de Nana, roman qui raconte la vie mouvementée de la fille de Gervaise.

 

Michelangelo 21/11/2018

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