A l'arrache de Patrick Goujon

Le narrateur est éducateur scolaire en zone sensible. Il emmène en séjour 5 jeunes de banlieue. Entre nostalgie de son propre passé d'enfant en milieu défavorisé et rêveries utopiques, il va dérouler sous nos yeux une bobine de fil rugueux et se montrer parfois désabusé.
Patrick Goujon ne nous sert pas un discours convenu sur les difficultés à vivre en cité. Il rend leur âme à ses oubliés du monde consumériste, à ses victimes des ratages de l'ascenseur social. Il pointe la difficulté qu'il y a à évoluer dans un monde où tout semble joué d'avance, où les acteurs les moins bien servis le sont contre leur volonté, ou avec leur propre assentiment, ce qui est encore plus difficile à accepter.
Le passé du narrateur vient constamment interférer pour tenter d'analyser la réalité de cette situation sociale. Le récit devient haché, comme passé dans un kaléidoscope et le temps présent est soumis autant aux lois sociales subies qu'à cette nostalgie d'un monde passé où pourtant la noirceur est toujours présente. Chaque geste, chaque mot participe de cet mélange temporel pour en tirer des vérités et des raisons d'espérer.
Mais cette noirceur si présente s'éclaire parfois de belles lumières, à l'instar de cette cascade qui ressemble à une tour qui s'effondre sans discontinuer dans une gerbe étincelante sous la lumière du soleil.

Patrick Goujon aime la lumière, il est solaire, peintre et poète. Son style, c'est à coup de pinceau et grand renfort de peinture qu'il le forge, sur un roman qui devient une toile. Et quand la place manque sur cette toile, il nous jette à la figure des mots qui retombent en pluie de pure poésie brillante et lumineuse.
Tout est à l'arrache. L'amour tient à un fil, la violence et l'absurdité aussi. Mais ce qu'on retient, c'est qu'à l'arrache, à la fin du roman, c'est l'espoir et la tendresse qui domine.

MichelANgelo 2013